Soutien aux victimes
Les événements qui se sont déroulés jeudi soir à bord de l’Yverdon-Ste-Croix sont tragiques : leur violence est indéniable. Cette violence s’exprime tant dans le traumatisme causé aux victimes de cette prise d’otage que dans son dénouement par l’usage de la force létale par les forces de l’ordre.
Solidarité & Écologie exprime son plus total soutien aux personnes concernées par cette prise d’otage et à leurs proches. L’angoisse de leur situation est difficilement imaginable pour quiconque ne l’a pas vécue. Ils et elles ont fait face à une situation extrême et traumatisante. Il est essentiel que ces personnes puissent bénéficier d’un soutien à la hauteur du choc subi. En ce sens, nous saluons la mise en place d’une cellule de soutien psychologique d’urgence visant à les recevoir. Les accompagner fait désormais partie de notre responsabilité sociale commune afin qu’elles ne doivent pas porter seules le poids terrible de ces événements.
Une politique d’asile violente
Il apparaît également essentiel d’ouvrir la discussion sur l’origine de la violence que ces personnes ont endurée, car elles ont aussi indirectement fait les frais de politiques d’asile qui alimentent cette dernière. En ce sens, il ne peut être fait abstraction des motivations de leur assaillant, lui-même vivant un autre type de violence qui l’a poussé dans un retranchement tel qu’il les a prises pour cible : celle des institutions et d’un système politique raciste. Cette violence s’est aussi exprimée dans sa mise à mort, issue qui a elle aussi alimenté l’horreur de la situation pour toutes les personnes présentes lors de cette opération.
De tels événements soulèvent des questions sur la politique d’asile suisse, les conditions d’accueil des requérant·e·s, leur accompagnement psychique et de leur accès à une aide personnalisée, mais aussi sur l’usage de la force par les policier·es et la réponse étatique à de tels actes de désespoir. En Suisse, les conditions d’admission et les processus auxquels sont soumis·e·s les requérant·e·s d’asile sont brutaux et déshumanisants. Notre société porte une grande responsabilité dans la détresse des personnes qui doivent s’y soumettre. Il est ainsi nécessaire de se demander si de tels actes désespérés et causant de nombreuses victimes ne sont pas précisément rendus possibles par la violence produite par notre système d’asile.
Quelles interventions possibles ?
Nous sommes interpellé·e·s par le fait qu’une personne dont on sait désormais qu’elle était atteinte psychiquement et en décompensation visible, de surcroît sujette à des actes hétéroagressifs, n’ait pas bénéficié d’un soutien en amont, et que la seule issue de l’intervention face à un tel cas ait été le recours à des tirs mortels. Le droit fondamental à la dignité humaine et à la vie doit rester la boussole des agent·e·s de l’Etat pour éviter de tels drames, et ce droit doit être garanti à tous et toutes, y compris à l’assaillant. L’issue fatale de l’événement a également privé notre société d’un procès équitable, qui aurait pu fournir des éléments de réponses aux victimes et faire toute la lumière sur cet acte condamnable.
Nous reconnaissons le travail sensible des fonctionnaires chargés d’intervenir dans de telles situations, qui sont particulièrement critiques et sensibles. Néanmoins, leur protocole d’action doit désormais faire l’objet d’un examen attentif afin de pallier aux funestes conséquences de l’intervention d’hier et être adaptés, car il nous est impossible de nous satisfaire de procédures débouchant sur la mort d’une personne au vu des moyens engagés. Nous nous interrogeons donc sur les formations dispensées par l’institution policière : si le policier ayant tiré appartenait à une brigade spécialisée dans ce type d’intervention, comment se fait-il qu’il n’ait pas eu recours à une autre technique de neutralisation ? Si ce policier n’était pas issu des brigades d’intervention, comment se fait-il qu’il ait été en première ligne ? Pourquoi l’usage d’une arme à feu n’a-t-il pas visé une partie du corps qui aurait permis de maîtriser l’assaillant, sans toutefois engager son pronostic vital ?
Une vie est une vie
L’État porte la responsabilité du drame d’hier ainsi que de son issue ; son (in)action a causé la souffrance de l’ensemble des victimes de cette situation. C’est en apportant des réponses politiques, humaines et sociales à la problématique de l’asile et à la prise en charge de la détresse de membres de notre société que nous pourrons garantir l’intégrité et la dignité de chaque individu, suisse ou étranger, et que nous éviterons ce type de drame à l’avenir. Enfin, soulignons que ce décès s’ajoute aux cinq décès de personnes racisées survenues à la suite d’une intervention policière dans le Canton de Vaud entre 2016 et 2022 et qu’il ne s’agit aucunement d’actes tolérables dans un état de droit démocratique.